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L’abandon de poste volontaire par le salarié

L’abandon de poste volontaire par le salarié et la mise en œuvre du dispositif de présomption de démission par l’employeur

Pour des raisons aussi diverses que variées, les abandons de postes ont atteint un niveau record, à la suite de la pandémie du Covid-19.

Nombre de salariés ont cru pouvoir imposer à leur employeur une rupture conventionnelle et à défaut obtenir un licenciement afin de s’inscrire au POLE EMPLOI, et de réfléchir à leur nouveau projet professionnel.

C’est cette « stratégie » - qui constitue une fraude aux allocations chômage - que le législateur a décidé de mettre en échec en adoptant un mécanisme de stigmatisation de l’abandon de poste.

Désormais, l’employeur peut tirer toutes les conséquences d’un abandon de poste en le qualifiant de démission, privative d’indemnité de rupture et droits au POLE EMPLOI.

Ce nouveau disposition a été introduit dans le Code du Travail par la Loi « Marché du travail » du 22 décembre 2022 ; A l’occasion de la parution du Décret n° 2023-275 du 17 avril 2023, il convient de faire le point.

Le nouvel article L. 1237-1-1 du Code du Travail prévoit en son 1er alinea que si un salarié abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier de son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l'employeur, il est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai.

Le Décret précise que le délai à la discrétion de l'employeur pour justifier de l'absence ou reprendre ne peut être inférieur à quinze jours. Ce délai commence à courir à compter de la date de présentation de la mise en demeure.

En revanche, le texte règlementaire qui ne comporte qu’un seul article est muet sur l’obligation de prévenir le salarié du risque de qualification de son abandon de poste en démission en cas d’inertie, des conséquences notamment au regard de POLE EMPLOI et de son droit éventuel de saisir le Conseil de Prud’hommes si l’employeur constate la démission à l’issue du délai fixé.

Le nouvel article L. 1237-1-1 du Code du Travail prévoit en son 2nd alinea que le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail peut saisir le Conseil de Prud'hommes sans préalable de conciliation, lequel doit statuer dans le délai d'un mois à compter de la saisine.

Le Décret précise que, le salarié qui entend se prévaloir auprès de l'employeur d'un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission, tel que, notamment, des raisons médicales, l'exercice du droit de retrait prévu à l'article L. 4131-1, l'exercice du droit de grève prévu à l'article L. 2511-1, le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, doit indiquer le motif qu'il invoque dans la réponse à la mise en demeure.

A ce stade, il n’est pas possible d’affirmer que cette réponse fixe les limites du litige devant la juridiction prud’homale.

Ce mécanisme, qui remet en cause le caractère express et non équivoque de la démission, mérite d’être pratiqué car il devrait venir en aide aux employeurs, surtout des TPME, dans le contexte de pénurie de salariés.

D’autant que dans le cadre d’un éventuel litige prud’homale, l’employeur pourrait se prévaloir non seulement du barème MACRON, mais également des dispositions de l’article L. 1237-2 du Code du Travail qui prévoit que :

« La rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative du salarié ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages et intérêts pour l'employeur. »

Ce qui pourrait être dissuasif pour le salarié tenté de saisir le Conseil de Prud’hommes…

Dans l’attente des premières décisions des Conseil de prud’hommes, beaucoup d’employeurs devraient encore préférer recourir à une procédure disciplinaire :

Dès la constatation de l’abandon de poste, l’employeur doit mettre en demeure le salarié de reprendre son travail ou de justifier d’un motif réel et valable d’absence, et immédiatement et sans délai.

A défaut de réaction du salarié, la convocation à entretien préalable avec mise à pied conservatoire peut être envoyée, suivie de la notification d’une décision de licenciement pour faute grave, privative de droits à indemnité et à préavis, mais pas de droits à POLE EMPLOI.