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La mort d’un salarié ayant eu des relations sexuelles lors d’un déplacement professionnel qualifiée d’accident du travail

Les faits de l’espèce sont les suivants. Un salarié de la société STO, en situation de déplacement professionnel, est décédé d’une crise cardiaque, en février 2013, alors qu’il était au domicile d’une femme qu’il venait de rencontrer et après avoir eu une relation sexuelle avec elle. Ce décès a été pris en charge par la CPAM au titre de la législation professionnelle. Ce à quoi la TSO a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale afin de se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge du décès.

Le Tribunal, dans son jugement du 13 juin 2016, avait soutenu que le salarié effectuant une mission avait droit à la protection prévue par l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale, pendant tout le temps de la mission qu’il accomplissait pour l’employeur, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou à l’occasion d’un acte de la vie courante.

La Cour d’appel a confirmé la décision du Tribunal considérant que : « C’est à bon droit qu’ils [les juges] en ont déduit que l’employeur ne rapportait pas la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour accomplir un acte totalement étranger à celle-ci et que le fait que l’accident soit survenu à l’issue d’un rapport sexuel consommé dans un autre lieu que la chambre d’hôtel que la société TSO lui avait réservée ne permettait pas à lui seul de considérer que le salarié s’était placé hors de la sphère de l’autorité de l’employeur. »

La notion d’accident du travail est définie par l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale comme l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. Il s’agit donc d’un accident ayant une origine professionnelle.

Pour le salarié en mission professionnelle, il suffit que l’accident intervienne durant la période de mission pour qu’il soit présumé constituer un accident du travail. En effet, la Cour de cassation estime que tout accident survenant au cours d’une mission professionnelle est présumé être un accident du travail, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnelle ou d’un acte de la vie courante (Soc, 19 juillet 2001, 99-20.603).  Pour faire tomber cette présomption, l’employeur doit prouver que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel et indépendant de l’emploi au moment de l’accident (Soc, 9 mai 2018, 17-17.912).

En l’espèce, la société avait avancé que le salarié avait interrompu sa mission au moment où il était victime d’un malaise dans le domicile d’une femme autre que la chambre d’hôtel réservée par l’employeur. L’accident était donc imputable à l’acte sexuel et n’avait donc pas une origine professionnelle. De son côté, la CPAM a fait valoir qu’un acte sexuel relevait de la vie courante du salarié, au même titre que la prise d’une douche ou d’un repas. Le salarié bénéficiait donc d’une présomption d’imputabilité que l’employeur n’a pas réussi à faire tomber.

De fait, il semble évident que le rapport sexuel est indépendant de l’emploi et a eu lieu pour un motif personnel. Il apparait difficile d’imaginer quels arguments auraient pu apporter l’employeur afin de faire tomber la présomption d’imputabilité de l’accident.

Si cet arrêt est favorable aux salariés en mission, il fait peser une présomption de responsabilité lourde pour l’employeur. En effet, si un rapport sexuel fait partie d’un acte de la vie courante qui doit être assuré par l’employeur, il est difficile d’imaginer quels actes ne seront pas inclus dans cette présomption. Ainsi, lors de l’envoi d’un salarié en mission, l’employeur est responsable de la totalité des risques afférents à la vie courante du salarié, à moins pour lui d’amener de solides arguments démontrant qu’ils sont sans liens avec la mission et effectués pour des motifs personnels.