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Succession de CDD: infraction au cas de recours légal

La succession de CDD de remplacement ne constitue pas en elle-même une infraction au cas de recours légal

Dans un arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation précise que la conclusion de contrats à durée déterminée successifs avec un même salarié, strictement motivée par le remplacement de salariés absents, ne caractérise pas un recours systématique à ces contrats pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. (Cass. soc. 14-2-2018 n° 16-17.966 FS-P)

Une telle succession de contrats n’est donc pas en elle-même illégale.

Une déclaration d’amour à l’égard des employeurs ? Plutôt un alignement sur la jurisprudence européenne..!

Le principe : la succession de CDD de remplacement ne doit pas répondre à un besoin structurel de main d’œuvre...

La conclusion de contrats de travail à durée déterminée de remplacement successifs avec le même salarié est autorisée par l’article L 1244-1 du Code du travail. Elle ne connaît pas d’autre limite que celle résultant de l’article L 1242-1 du même Code, au terme duquel le contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Afin de définir cette limite, la chambre sociale de la Cour de cassation utilise la notion de besoin structurel de main d’œuvre (Cass. soc. 26-1-2005 n° 02-45.342 FS-PBRI : RJS 4/05 n° 350 ; 11-10-2006 n° 05-42.632 F-PB : RJS 12/06 n° 1253). Ainsi, la requalification est encourue si les recrutements successifs répondent à un tel besoin.

La nuance : mais elle peut avoir pour seul objet les remplacements successifs de salariés

A l’inverse, la requalification doit être écartée si le recours aux CDD n’a pas d’autre but que les nécessités du remplacement. (Cass. soc. 24-6-2015 n° 14-12.610 FS-PB : FRS 17/15 inf. 2 p. 4).

Au cas d’espèce, une Cour d’Appel avait accueilli la demande de requalification de 104 CDD de remplacement conclus avec un même salarié pendant trois ans, au motif que l’employeur disposait d’un nombre de salariés significatif, et était donc nécessairement confronté à des périodes de congés, maladie, stage, maternité impliquant un remplacement permanent de salariés absents. Elle avait jugé que les remplacements prévisibles et systématiques assurés par le salarié pendant trois ans constituaient un équivalent temps plein pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre.

Son arrêt est cassé par la Cour de cassation : le seul fait pour l’employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des CDD de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux CDD pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Il appartient à la Cour d’Appel de renvoi de statuer par des motifs suffisants pour caractériser, au regard de la nature des emplois successifs occupés par le salarié et de la structure des effectifs de l’employeur, que les contrats successifs ont un tel objet.

Il n’est pas exclu qu’elle se prononce dans le même sens que la première cour d’appel, et caractérise des motifs d’une requalification des CDD de remplacement en CDI. notamment si elle qualifie une identité totale des fonctions exercées ou une absence d’interruption entre les remplacements.

Une décision dans la ligne de la jurisprudence européenne

L’arrêt est rendu au visa des articles L 1242-1 précité du Code du travail et L 1242-2 du même Code, qui autorisent la conclusion de CDD pour le remplacement d’un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat, interprétés à la lumière de la clause 5, point 1, a) de l’accord-cadre européen sur le contrat de travail à durée déterminée du 18 mars 1999.

Cette clause impose aux États membres de prévoir, afin de prévenir les abus, les raisons objectives justifiant le renouvellement des CDD.

Dans sa décision, la Cour de cassation rappelle largement les termes d’un arrêt la Cour de justice de l’Union européenne relatif à l’interprétation de ce texte (CJUE 26-1-2012 aff. 586/10, 2e ch., Kücük : RJS 4/12 n° 400 et chronique J.-Ph. Lhernould).

Sans traduire un réel infléchissement de sa ligne jurisprudentielle, la Cour suprême affiche sa volonté d’être en cohérence avec la jurisprudence européenne.